{"id":2994,"date":"2015-06-29T00:00:00","date_gmt":"2015-06-29T04:00:00","guid":{"rendered":"http:\/\/184.107.41.70\/~ctffce\/perspectives_cpt\/ecoles-de-langue-francaise-une-crise-dadolescence\/"},"modified":"2015-06-29T00:00:00","modified_gmt":"2015-06-29T04:00:00","slug":"ecoles-de-langue-francaise-une-crise-dadolescence","status":"publish","type":"perspectives_cpt","link":"https:\/\/www.ctf-fce.ca\/fr\/blogue-perspectives\/ecoles-de-langue-francaise-une-crise-dadolescence\/","title":{"rendered":"\u00c9coles de langue fran\u00e7aise : une crise d\u2019adolescence?"},"content":{"rendered":"
Cette fin de semaine-l\u00e0, j\u2019avais d\u00e9cid\u00e9 de passer un peu de bon temps avec ma cadette qui vit encore \u00e0 Halifax, le milieu o\u00f9 elle est n\u00e9e, la m\u00e9tropole o\u00f9 j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 enseigner et o\u00f9 j\u2019ai habit\u00e9 pendant pr\u00e8s de 25 ans.<\/p>\n
Un vol direct apr\u00e8s le travail m\u2019y conduit donc et j\u2019arrive \u00e0 la brunante. Comme j\u2019ai quitt\u00e9 l\u2019endroit depuis une dizaine d\u2019ann\u00e9es, je pense m\u2019y retrouver assez facilement et je file vers le pont MacKay en oubliant qu\u2019on a construit le gros complexe commercial Dartmouth Crossings depuis et que la sortie a \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9e. Je la rate, mais qu\u2019\u00e0 cela ne tienne, je tournerai \u00e0 droite sur Victoria Road et j\u2019irai prendre le pont plus loin. Je me souviens vaguement que cette sortie n\u2019\u00e9tait pas facile \u00e0 rep\u00e9rer et je passe all\u00e9grement devant le tout petit \u00e9criteau qui annonce la sortie. En maugr\u00e9ant un peu, je me dis que je vais me rendre directement \u00e0 l\u2019entr\u00e9e du pont en empruntant Windmill Road. C\u2019est ainsi que le hasard \u2013 ou le destin \u2013 m\u2019a amen\u00e9 \u00e0 l\u2019endroit m\u00eame o\u00f9 j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 enseigner, la petite \u00c9cole francophone Shannon log\u00e9e pratiquement sous le pont MacKay qui continuait de vouloir se d\u00e9filer.<\/p>\n
Quand je suis finalement arriv\u00e9 chez ma fille, elle m\u2019a demand\u00e9 tout bonnement ce que j\u2019aimerais faire le lendemain. La r\u00e9ponse \u00e9tait toute pr\u00eate : \u00ab Je veux retourner l\u00e0 o\u00f9 tout a commenc\u00e9. \u00bb<\/p>\n
<\/p>\n
Le lendemain matin, nous \u00e9tions devant la petite \u00e9cole, situ\u00e9e sur une base militaire, o\u00f9 j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 enseigner dans une classe de 2e<\/sup> ann\u00e9e. C\u2019\u00e9tait en 1981, un an avant l\u2019adoption de la Charte canadienne des droits et libert\u00e9s<\/em>. Les enfants que nous y accueillions alors provenaient tous de familles militaires, en grande majorit\u00e9 francophones. Avant m\u00eame que le concept existe, nous disposions de classes qui avaient pour mandat de mettre \u00e0 niveau les \u00e9l\u00e8ves qui ne parlaient pas fran\u00e7ais : des locaux avec un nombre restreint d\u2019\u00e9l\u00e8ves et des enseignantes extraordinaires form\u00e9es pour d\u00e9velopper le langage des enfants. Il importe de mentionner que jusqu\u2019alors, les Forces arm\u00e9es canadiennes subventionnaient cette \u00e9cole qui \u00e9tait au service de leurs membres francophones. Nous disposions de fonds pour le mat\u00e9riel p\u00e9dagogique, pour notre d\u00e9veloppement professionnel et pour assurer que les \u00e9l\u00e8ves ne manquaient de rien. Certains pourront penser que c\u2019\u00e9tait l\u2019\u00e9cole id\u00e9ale; je dirai que c\u2019\u00e9tait l\u2019\u00e9cole comme elle devrait \u00eatre.<\/p>\n Avec l\u2019av\u00e8nement de la Charte<\/em> en 1982, un financement f\u00e9d\u00e9ral en appui \u00e0 l\u2019\u00e9ducation dans la langue de ma minorit\u00e9 est apparu. Les Forces arm\u00e9es y ont vu une occasion de se d\u00e9partir de leurs \u00e9coles de langue fran\u00e7aise pour les remettre aux soins des autorit\u00e9s r\u00e9gionales afin que la mission se poursuive : ce qui \u00e9tait bon pour les militaires francophones l\u2019\u00e9tait aussi pour l\u2019ensemble de la population qui parlait cette langue, n\u2019est-ce pas? La gestion de l\u2019\u00c9cole francophone Shannon a \u00e9t\u00e9 confi\u00e9e au Dartmouth District School Board, un conseil anglophone qui se demandait sans doute ce qui venait de lui tomber dessus\u2026<\/p>\n La petite \u00e9cole est ainsi devenue publique et quand on a appliqu\u00e9 les crit\u00e8res de la Charte<\/em>[*]<\/a> \u00e0 l\u2019admission des enfants, elle s\u2019est mise \u00e0 d\u00e9border de toute part, le nombre d\u2019\u00e9l\u00e8ves en besoin de francisation est devenu nettement trop important pour ses capacit\u00e9s, les \u00ab roulottes \u00bb sont arriv\u00e9es. Bref, le succ\u00e8s de l\u2019\u00e9cole de langue fran\u00e7aise amenait une s\u00e9rie de probl\u00e8mes auxquels personne n\u2019\u00e9tait pr\u00eat \u00e0 faire face.<\/p>\n Ce sont les parents qui ont pris les choses en main. J\u2019ai eu la chance d\u2019\u00eatre d\u00e9sign\u00e9 par mes coll\u00e8gues du personnel enseignant sur un comit\u00e9 qui aurait le mandat de trouver des solutions. C\u2019est ainsi qu\u2019a commenc\u00e9 mon engagement sur la sc\u00e8ne nationale o\u00f9 j\u2019ai pu prendre conscience que la r\u00e9alit\u00e9 de notre milieu \u00e9tait celle de milliers d\u2019autres francophones de partout au pays, aux prises avec les m\u00eames difficult\u00e9s. Le comit\u00e9 s\u2019est vite donn\u00e9 un mandat clair en deux volets : obtenir une nouvelle \u00e9cole et assurer la gestion de celle-ci par la communaut\u00e9 francophone.<\/p>\n Notre premi\u00e8re rencontre avec le ministre de l\u2019\u00c9ducation de l\u2019\u00e9poque reste encore aujourd\u2019hui marqu\u00e9e dans ma m\u00e9moire. Nous \u00e9tions deux ou trois repr\u00e9sentants de la communaut\u00e9 acadienne, quelque peu intimid\u00e9s par le d\u00e9corum du bureau du ministre. Devant nos dol\u00e9ances, la r\u00e9ponse cat\u00e9gorique du ministre est tomb\u00e9e comme un couperet : \u00ab If those are the rights of the minority, you will get exactly what the Anglophones of the province of Quebec are getting : not more, not less. \u00bb[1]<\/sup> <\/a><\/p>\n Il \u00e9tait difficile de r\u00e9primer un fou rire. Le ministre venait de nous offrir sur un plateau d\u2019argent un syst\u00e8me complet d\u2019\u00e9ducation publique comprenant des conseils scolaires fond\u00e9s sur une base linguistique et un r\u00e9seau universitaire bien \u00e9tabli! Sans vouloir insinuer que la communaut\u00e9 anglo-qu\u00e9b\u00e9coise n\u2019a pas de d\u00e9fis, ses \u00e9tablissements et ses structures feront encore longtemps l\u2019envie des francophones des provinces et des territoires o\u00f9 le fran\u00e7ais est la langue de la minorit\u00e9.<\/p>\n Si je raconte cet \u00e9pisode de ma d\u00e9marche pour que soient reconnus les droits \u2013 et les besoins \u2013 des communaut\u00e9s francophones de tous les coins du Canada, c\u2019est que je vois ces derniers temps des circonstances qui me d\u00e9solent au plus haut point et qui me rappellent que de part et d\u2019autre, tant chez nos autorit\u00e9s anglophones que chez nos dirigeants francophones, il est plus important que jamais d\u2019\u00eatre bien inform\u00e9.<\/p>\n Plus de trente ans apr\u00e8s l\u2019adoption de la Charte canadienne des droits et libert\u00e9s<\/em>, apr\u00e8s de nombreux jugements qui ont clarifi\u00e9 son application dans le contexte de l\u2019\u00e9ducation de la minorit\u00e9, comment nous retrouvons-nous encore devant autant d\u2019incompr\u00e9hension de part et d\u2019autre? Comment expliquer des crises internes entre communaut\u00e9s francophones et le conseil scolaire qui a le mandat de les repr\u00e9senter? Comment expliquer que des parents doivent encore tra\u00eener leur gouvernement provincial en Cour supr\u00eame pour offrir \u00e0 leurs enfants une \u00e9cole comparable \u00e0 celle du voisinage? Comment expliquer qu\u2019on questionne les crit\u00e8res d\u2019admission des enfants \u00e0 l\u2019\u00e9cole et qu\u2019on n\u2019a pas trouv\u00e9 un terrain d\u2019entente pour accueillir les enfants de familles immigrantes?<\/p>\n La gestion des \u00e9coles par la minorit\u00e9 francophone vit une crise existentielle. Au cours des derni\u00e8res ann\u00e9es, on a f\u00eat\u00e9 un peu partout les quinze ou vingt ann\u00e9es de gestion scolaire. De quels outils disposent les francophones qui doivent continuer d\u2019expliquer leurs droits? De quels outils disposent les anglophones qui souhaitent bien comprendre la r\u00e9alit\u00e9 de la minorit\u00e9? De quels outils disposent les deux groupes pour engager un dialogue productif qui m\u00e8nerait \u00e0 des solutions r\u00e9alistes et \u00e0 des compromis acceptables qui tiennent compte du bien-\u00eatre des \u00e9l\u00e8ves de nos \u00e9coles?<\/p>\n Une seule r\u00e9ponse s\u2019impose : l\u2019\u00e9ducation. La solution doit cesser un jour ou l\u2019autre d\u2019\u00eatre la confrontation ou le tribunal si nous voulons progresser et aller de l\u2019avant. La F\u00e9d\u00e9ration canadienne des enseignantes et des enseignants a toujours accord\u00e9 un appui inconditionnel \u00e0 l\u2019\u00e9ducation des minorit\u00e9s linguistiques, et ce depuis les tout premiers d\u00e9buts de la reconnaissance de ces droits. Plus que jamais, elle souhaite continuer d\u2019accorder cet appui : Qui embarque?<\/p>\n
\n