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Vous avez besoin d’un plan de réouverture des écoles? Demandez aux membres du corps enseignant!

| Éducation publique, Ressources financières et autres

Par Shelley L. Morse

Maintenant que la fête du Canada est derrière nous, on peut dire que l’été est officiellement là. Mais même si l’année scolaire est finie et que les jeunes sont en congé, cet été n’a pas les allures habituelles. 

Au lieu de passer de longues et chaudes journées sous le signe de la détente, nous évoluons dans un climat de nervosité et d’anxiété alimenté par toutes les questions qui nous hantent sur la suite des choses. Il faut dire que le compte à rebours des jours jusqu’à septembre n’est pas loin de commencer et que bien des régions du Canada n’ont pas encore de plans concrets pour bien mener la réouverture des écoles. Les plans divulgués jusqu’à présent sont peu détaillés et ne répondent pas aux questions, toujours les mêmes, qui sont posées depuis le début de la crise : Entre la distanciation physique et la réduction en conséquence de l’effectif des classes et du nombre de jours d’école, comment les élèves vont-ils tous et toutes pouvoir recevoir une éducation de qualité? Et s’il est possible d’apprendre ensemble plutôt qu’à distance sur des écrans, comment cela pourra-t-il se faire en toute sécurité? Certaines administrations cherchent la réponse dans l’apprentissage en ligne à distance, mais comme l’ont découvert la majorité des enseignantes et enseignants, des élèves et de leurs familles, apprendre devant un écran n’est une solution valable pour personne à long terme, sans compter que ce mode d’instruction défavorise sérieusement de nombreux élèves.  

Quand est arrivée la pandémie de COVID-19, nous avons tous et toutes été pris de court. En à peine deux semaines, en mars dernier, une crise sanitaire, qui s’était déclarée à l’autre bout de la planète, a fracassé les frontières canadiennes, tel un tsunami. Presque du jour au lendemain, la vie des Canadiennes et des Canadiens a été bouleversée. Les bâtiments scolaires ont été fermés et, pour d’innombrables familles, le télétravail et l’apprentissage à distance sont devenus la norme. Les personnes dont le travail était jugé essentiel se sont retrouvées avec un éventail d’options très limité pour la garde de leurs enfants et les préoccupations relatives à la sécurité étaient et continuent d’être une source indue de stress pour la vaste majorité des gens. Les personnes qui ont perdu leur travail peinent à nourrir leur famille; l’accroissement des tensions dans les foyers fait augmenter les risques de violence à l’égard des plus vulnérables; et le manque d’accès au wifi ou à des appareils numériques a coupé un nombre démesuré d’enfants de l’apprentissage. 

Aujourd’hui, après quatre mois de crise, l’élément de surprise a disparu. Que nous l’aimions ou non, la nouvelle réalité s’est bel et bien installée. Les masques et la distanciation physique font partie de notre vie. Mais tandis que septembre se profile à l’horizon, on ne sait toujours pas comment pourra se faire concrètement le retour des enfants et des jeunes dans les salles de classe. Et cela est vrai pour ainsi dire dans toutes les provinces et tous les territoires, où les autorités ont largement tenu les enseignantes et enseignants à l’écart des discussions sur la manière de les ramener à l’école, avec les élèves et le personnel de soutien à l’éducation, en toute sécurité.  

À tous les paliers et dans tout le Canada, les autorités ont eu amplement de temps pour se préparer en vue de l’automne, de l’hiver et au-delà. Malheureusement, il semble qu’elles n’en aient pas profité. Et maintenant, alors qu’il reste à peine deux mois avant le supposé retour des élèves dans les écoles, le milieu de l’éducation en est encore à se demander comment cela pourra se faire, tandis que les parents et les tuteurs ou tutrices s’inquiètent de plus en plus du retard que leurs enfants pourraient accuser dans leur apprentissage et cherchent rapidement d’autres manières d’assurer cet apprentissage dans un climat d’extrême incertitude. 

Même s’il nous reste peu de temps pour nous préparer, ensemble nous pouvons élaborer un plan qui aide à garantir à nos enfants et à nos jeunes l’accès équitable qu’ils méritent à une éducation publique de qualité, financée par l’État. Et nous pouvons le faire tout en leur assurant, à eux et aux adultes à qui nous les confions, un maximum de sécurité. 

Nous sommes arrivés à un point où nous devons aller puiser dans notre créativité et nous libérer de ce qui fut la norme pour nous adapter à la réalité d’aujourd’hui. Forts des résultats préliminaires, sur le point de paraître, d’un sondage pancanadien mené auprès du personnel enseignant, auquel presque 18 000 enseignantes et enseignants d’un océan à l’autre ont participé, nous pouvons affirmer que l’apprentissage à distance et en ligne ne remplace pas l’apprentissage en salle de classe. De fait, apprendre uniquement au moyen d’un écran non seulement nuit à la qualité de l’apprentissage, mais anéantit aussi les possibilités de bâtir une société plus égalitaire. 

L’apprentissage à distance, tout en réduisant la menace d’une propagation du coronavirus, a exacerbé les iniquités et les problèmes de santé mentale chez les élèves et le personnel enseignant. Selon notre sondage, deux tiers des enseignantes et enseignants se sont dits inquiets des répercussions de l’utilisation des écrans pendant la pandémie sur le bien-être physique, mental, social et émotionnel des enfants et des jeunes. Et plus de huit répondantes et répondants sur dix sont soucieux de la forme que prendra le retour à l’école. Parmi les enseignantes et enseignants qui ont répondu aux questions ouvertes, 99 % se sont dits inquiets du retour à l’école, leur anxiété venant du fait qu’ils n’en connaissaient pas les plans. Ils ont aussi pointé du doigt le fait que les directives des ministères de l’Éducation changeaient continuellement, qu’ils n’avaient pas le temps de s’adapter et ne recevaient pas de soutien pour le faire, et que tout cela avait des conséquences pour leur santé mentale et leur bien-être.

Une enseignante a parlé de la détérioration de la santé mentale : « C’est le pire que j’ai vu de toute ma carrière. En mai dernier, le bouleversement soudain des attentes à l’égard du personnel enseignant a été pour le moins exténuant. J’ai le sentiment que notre école va d’une crise à l’autre et je n’ai plus le temps de manger, de m’étirer ou même de prendre cinq minutes de pause dans ma journée. Et une journée normale, pour moi maintenant, est de 12 à 14 heures. » 

Il est clair, du point de vue des enseignantes et enseignants, mais aussi, selon nous, de la majorité des familles, que les conditions de travail actuelles ne peuvent s’éterniser. Tant qu’il n’y aura pas de vaccin, s’empresser de revenir aux méthodes d’instruction en personne d’avant la COVID n’est peut-être tout simplement pas une option. 

Dans les circonstances, nous devons donc repenser l’école. La distanciation physique sera nécessaire pendant des mois encore et, sachant que l’apprentissage à distance n’est pas synonyme d’apprentissage de qualité ni d’apprentissage équitable, il est temps de se demander si d’autres espaces de nos communautés pourraient être utilisés pour y offrir un enseignement de qualité, en personne et en toute sécurité. Bureaux, arénas, campus universitaires : tous ces endroits pourraient être vides ou sous-utilisés après la fin de semaine de la fête du Travail et devenir une intéressante solution de rechange à des classes réduites. Et, quand la météo le permet, les classes en plein air représentent également une bonne option. 

En même temps, nous devons penser à la santé mentale et au bien-être des élèves, mais aussi du personnel enseignant. Les normes nationales en matière d’accès aux services de santé mentale devront tenir compte du fait que cette pandémie a des répercussions importantes, et encore largement inconnues, sur la santé psychologique. Il faudra donc plus, et non pas moins, d’enseignantes et enseignants et de membres du personnel de soutien à l’éducation, dont des conseillères et conseillers qualifiés, quand les écoles rouvriront. Pendant un bon moment, l’enseignement devra reposer sur une pratique sensible aux traumatismes. Le personnel enseignant et le personnel de soutien à l’éducation auront alors besoin d’une aide supplémentaire pour gérer efficacement les effets que la crise de la COVID-19 aura eus sur le comportement et la santé mentale des élèves. 

Jusqu’à ce que nos enfants et nos jeunes se retrouvent en classe, nous devrons nous assurer que celles et ceux qui ont besoin d’un déjeuner le reçoivent, que celles et ceux qui vivent une situation familiale difficile disposent d’un exutoire sûr et puissent se confier à des adultes de confiance, et que tous les élèves aient des chances égales d’apprendre. C’est pourquoi il est si important de ne pas prolonger l’apprentissage à distance, cette forme d’apprentissage qui ne devrait être considérée que comme une solution temporaire. Aussi, en ramenant les enfants en classe, on permet aux parents et aux tuteurs ou tutrices en mesure de travailler de le faire sans vivre le stress associé au fait de devoir se préoccuper des besoins d’apprentissage et du bien-être de leurs enfants, ou le stress qui accompagne la nécessité de travailler tout en jouant le rôle de soutien à l’apprentissage à distance jour après jour.

Voilà pourquoi l’éducation publique financée par l’État est si importante. Les idées et suggestions ci-dessus ne sont qu’un aperçu de ce que les enseignantes et enseignants peuvent proposer aux autorités publiques afin que nos citoyennes et citoyens les plus jeunes et les plus vulnérables, qui sont aussi nos futurs dirigeants et dirigeantes, continuent de recevoir l’éducation de qualité dont ils ont besoin. Les pouvoirs publics, à tous les ordres de gouvernement, ont simplement besoin de nous consulter et de travailler avec nous pour faire de ces idées une réalité. 

Lorsque les chaudes journées d’été commenceront à céder la place à l’automne, j’espère que les gouvernements et les enseignantes et enseignants pourront se tenir côte à côte en sachant que la mise en commun de leur expertise aura rendu le retour à l’école possible pour tous et toutes les élèves. Et que ce retour à l’école aura donné aux jeunes une raison de voir l’avenir avec optimisme tandis que nous continuons de nous frayer un chemin à travers une crise qui est loin d’être finie.

Renseignements généraux

Shelley L. Morse est la présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (CTF/FCE), la voix nationale de la profession enseignante. Alliance nationale d’organisations provinciales et territoriales, la CTF/FCE représente plus de 300 000 enseignantes et enseignants des écoles élémentaires et secondaires au Canada. Elle est également membre de l’Internationale de l’Éducation, la fédération mondiale d’organisations nationales de l’enseignement réparties dans 173 pays.

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Andrew King
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