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Ce que nous pouvons apprendre des 300 jeunes qui ont élaboré la Feuille de route des jeunes pour l’égalité des genres au Canada

| Équité entre les genres, Justice sociale

En 2019, aucun pays dans le monde n’a atteint l’objectif de l’égalité des genres. C’est une donnée alarmante. Nous sommes à un point tournant de l’histoire où il nous faut trouver des façons de vraiment faire avancer les choses sur ce plan. Le Canada a la possibilité de devenir le tout premier pays du monde à parvenir à l’égalité entre les genres. Pour ce faire, nous devons écouter les voix qui demandent à être entendues.

Pendant des années, les jeunes ont été exclus des discussions importantes. Leurs aînés ont, par moment, sous-estimé leurs opinions, fait fi de leurs expériences et négligé de tenir pleinement compte de leurs voix avant de forger les décisions qui allaient avoir une influence si profonde dans leur vie. Chaque jour, les jeunes doivent composer avec le caractère généralisé des inégalités de genre et ses conséquences sur leur vécu; pourtant, dans bien des cas, ils ne sont pas consultés alors que nous nous efforçons de cheminer vers une plus grande égalité.

Je ne peux m’empêcher de me demander : combien de terrain avons nous perdu dans la lutte pour l’égalité des genres parce que nous n’avons pas écouté les voix de la prochaine génération, et comment ferons-nous pour accélérer les progrès à l’avenir?

En 2016, Plan International Canada et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants ont inauguré le projet Les jeunes pour l’égalité des genres (JEG). S’inscrivant dans la foulée du Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, cette initiative a mobilisé plus de 300 jeunes de partout au pays afin qu’ils répondent à une question d’importance cruciale : que peut faire le Canada pour diriger les efforts vers l’atteinte de l’égalité des genres au pays et ailleurs dans le monde? Au fil de dialogues axés sur l’engagement civique, les jeunes ont mis au jour des normes sociales et culturelles préjudiciables, cerné les enjeux les plus importants et mis à profit leurs propres vécus pour formuler des recommandations éclairées et mûrement réfléchies à l’intention des dirigeantes et dirigeants de notre pays, dans la quête pour l’égalité entre les genres.

Ces jeunes créeront un précédent avec leur rapport inédit, intitulé Feuille de route des jeunes pour l’égalité des genres : Plan visant l’atteinte de l’Objectif de développement durable no 5 au Canada. En mobilisant les jeunes et en amplifiant leurs voix, l’initiative apporte une dimension intéressante à la conversation sur l’égalité des genres comme jamais un débat d’orientation ne l’a fait auparavant. Leur honnêteté, leur ouverture d’esprit et leur compréhension des défis auxquels fait face l’égalité des genres au Canada sont directement à la base des recommandations contenues dans la Feuille de route. Ce sont leurs points de vue et leurs vécus qui encadrent la prise de mesures concrètes et le changement, et leurs voix qui nous permettront d’atteindre cet objectif mondial vital.

Dans d’autres pays où Plan International Canada est actif, cette initiative extraordinaire et son incidence sur les jeunes trouve sa contrepartie. J’ai vu des garçons œuvrer pour mettre fin au tabou menstruel en Ouganda et d’autres s’attaquer à la question du harcèlement sexuel en Égypte. J’ai vu des jeunes au Nicaragua remettre en question des normes sociales préjudiciables afin de promouvoir l’égalité. La réalité est que, nous pouvons creuser autant de puits et bâtir autant d’écoles que nous voulons, mais sans l’égalité des genres, c’est-à-dire si les femmes ne sont pas maîtresses de leur propre destinée, de ce qu’il adviendra de leur avenir ou de leur rôle dans la société, nous ne parviendrons pas à changer le monde.

S’il en est ainsi, c’est que l’inégalité des genres n’est pas un problème isolé – il interpelle toute la société. C’est un enjeu humain. L’égalité entre les genres est déterminante pour le développement économique. Elle est essentielle pour maintenir l’accessibilité et l’efficacité des systèmes de santé et d’éducation partout dans le monde. Elle est indispensable pour s’assurer qu’on confie les rôles de direction aux personnes les mieux qualifiées et les plus aptes, sans discrimination fondée sur le genre, la race ou le handicap. L’égalité des genres est inextricablement liée au développement durable. Elle est cruciale pour garantir la reconnaissance et le respect des droits de la personne, et ce pour chaque citoyenne et citoyen du monde, de même que pour assurer l’accès à l’égalité des chances, afin que chaque être humain ait la possibilité de réaliser et de mobiliser son plein potentiel.

En tant que femme occupant un poste de responsabilité, j’ai constaté de première main l’urgent besoin d’égalité entre les genres. J’ai eu la chance de voir bon nombre de mes pairs briser leur propre plafond de verre, mais j’ai aussi été témoin de ce qui se passe dans les coulisses – le combat inlassable qu’elles ont dû mener pour être traitées de la même manière que leurs homologues masculins. J’ai vu des femmes se tailler une place à des tables où elles n’avaient pas été conviées ou exprimer des opinions qui ont été prises moins au sérieux parce qu’elles émanaient d’une femme.

Nous devons aux membres de la prochaine génération de leur donner l’occasion de réécrire cette histoire de l’inégalité. Ils sont conscients que leurs différents parcours se croisent et ils travaillent ensemble à faire tomber ces barrières bien réelles, afin que chacune et chacun ait sa place dans la société. Ils se rendent compte que, pour parvenir à l’égalité des genres, il faut s’attaquer aux gros obstacles comme aux petits. Les inégalités se reflètent dans des expressions de tous les jours sans qu’on s’en rende compte, dans ce langage qui, par sa nature même, exclut certains genres de la conversation et les font se sentir moins importants que les autres. La prochaine génération a compris tout ça, mais elle a besoin de notre soutien.

Nous avons toujours su que les jeunes étaient les leaders de demain, alors pourquoi attendre? En écoutant leurs voix, en respectant leurs idées et en donnant du poids à leurs solutions, nous permettrons aux jeunes d’occuper la place qui leur revient de plein droit en tant que leaders d’aujourd’hui et, ainsi, susciter un réel changement.


Caroline Riseboro est présidente-directrice générale de Plan International Canada.

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