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En quête de savoir

| Éducation autochtone

Vers la fin de l’année scolaire 2014-2015, alors que j’étais directrice enseignante au Nouveau‑Brunswick, une boîte de livres est arrivée à mon école. À l’intérieur, j’ai trouvé une série de livres pour enfants, écrits par des Autochtones, sur les langues, les cultures et des histoires des Premières Nations. La boîte contenait aussi plusieurs feuilles dactylographiées qui indiquaient les matières auxquelles le contenu de ces livres pouvait être intégré pour couvrir tel ou tel résultat ciblé par le programme d’études. Voilà! Aucun avertissement préalable! Pas de formation préparatoire, pas de sensibilisation culturelle, pas de soutien! Nous avons toutes et tous beaucoup à apprendre sur l’histoire cachée du Canada et, certes, les enseignantes et enseignants devraient être les premiers à le faire, mais une boîte de livres et quelques feuilles sont loin de constituer ce que j’appelle une « bonne » trousse pédagogique.

Durant ma carrière d’enseignante du système public, j’ai eu beaucoup d’élèves des Premières Nations, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’école de réserve dans ma région. Même si je veillais à exposer mes élèves, même les plus jeunes, à la culture autochtone locale, je me rendais bien compte que cette exposition était limitée par ma connaissance et ma compréhension elles-mêmes insuffisantes du sujet.

En toute honnêteté, j’ai moi-même commencé mon apprentissage de l’histoire de la colonisation au Canada à l’automne 2015, même si j’avais quand même suivi avec intérêt la couverture médiatique de l’enquête menée pendant six ans par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. J’estime qu’il est de mon devoir, en tant que citoyenne de ce pays, de chercher à apprendre et à comprendre.

Quand j’étais à Winnipeg, en novembre dernier, pour assister à l’inauguration du Centre national pour la vérité et réconciliation à l’Université du Manitoba, j’ai eu la possibilité de parler avec une enseignante qui avait amené un groupe de jeunes autochtones à la cérémonie de lancement des archives du Centre. Nous avons entendu des conférencières et conférenciers et avons participé à des ateliers de discussion. J’ai aussi assisté à une rencontre organisée par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada où nous avons traité de la décision du Tribunal canadien des droits de la personne. Malgré tout cela, j’avais soif d’en apprendre davantage.

En janvier 2016, quand l’Université Cape Breton en Nouvelle-Écosse a décidé d’ouvrir son cours Learning from Knowledge Keepers of the Mi’kma’ki à un public plus vaste, je me suis rapidement inscrite. Les membres de la communauté pouvaient y assister gratuitement et, forte de l’appui de son partenaire Bell Aliant, l’Université a même assuré la diffusion hebdomadaire en direct du cours via Livestream et son archivage, de sorte que tout le monde pouvait le suivre sur Internet. L’objectif de l’Université était d’offrir son tout premier cours gratuit sur les Autochtones, en ligne, ouvert et librement partageable, et d’avoir au moins 200 participantes et participants en ligne.

Dès la deuxième semaine, plus de 12 000 personnes de 26 pays suivaient le cours en ligne et les réactions et commentaires sur le cours, avec le mot-clic #taliaqcbu, figuraient au troisième rang des sujets les plus populaires. Évidemment, cet engouement pour le cours a nettement dépassé tout ce qu’avaient espéré les responsables et témoignait d’une sensibilisation grandissante à la question autochtone et d’un réel « besoin d’apprendre ».

Durant la session, j’ai eu comme professeur Stephen Augustine, doyen du Collège Unama’ki et de l’apprentissage autochtone de l’Université Cape Breton et chef héréditaire du Grand conseil de la Nation micmaque. À lui se sont aussi ajoutées plusieurs personnes invitées. Bien que le chef Augustine soit de la Première Nation d’Elsipogtog, à seulement 145 kilomètres du lieu où j’ai grandi au Nouveau‑Brunswick, j’en ai appris plus durant ce cours sur l’histoire, la culture et les modes de savoir des Micmacs que je ne l’ai jamais fait pendant mes études ou ma carrière d’enseignante.

J’ai appris la signification des traités et le contexte dans lequel ils ont vu le jour; j’ai entendu de première main les histoires d’un survivant du pensionnat autochtone Shubenacadie et d’une femme dont la sœur est au nombre des femmes autochtones disparues et assassinées. Nous, les participantes et participants au cours, avons appris à comprendre les défis qui se posent aux communautés micmaques, mais aussi leurs forces et leur résistance face à l’adversité.

Certaines paroles de l’honorable juge Murray Sinclair resteront à tout jamais gravées dans ma mémoire. D’abord, il a lancé à chaque Canadienne et Canadien le défi de prendre connaissance des appels à l’action de la Commission, de les comprendre, d’en choisir et de trouver comment y donner suite. Ensuite, il nous a rappelés que c’est par l’éducation que nous en sommes arrivés à ce gâchis, mais que l’éducation est la clé de la réconciliation.

Pour ma part, parfaire ma compréhension et ma connaissance des Autochtones est le moyen que je me suis donné pour commencer à relever le défi. Et je sais que d’autres enseignantes et enseignants font comme moi.

L’éducation, voie de la réconciliation!


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