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Les effets disproportionnés de la COVID-19 sur les femmes

| Droits de la personne, Équité entre les genres, Justice sociale

Les effets disproportionnés de la COVID-19 sur les femmes

Cela fait à peine un an que la pandémie de coronavirus s’est propagée à travers le monde et pourtant, d’une certaine manière, on dirait qu’elle dure depuis une éternité! Notre façon de vivre à tous a totalement changé, presque du jour au lendemain. Mais, comme on a pu le lire dans un article publié récemment dans le magazine Catholic Teacher (en anglais seulement), certains groupes ont été touchés de manière disproportionnée.

D’après un récent article de Statistique Canada, la COVID-19 a bel et bien eu des conséquences importantes pour les femmes dans plusieurs aspects de leur vie, notamment les finances, la santé et la sécurité. Un rapport d’ONU Femmes (en anglais seulement) indique que le taux des femmes et des filles qui perdent leur emploi est plus élevé que celui des hommes en raison de la nature du métier que celles-ci exercent. La Fondation canadienne des femmes reprend ce constat en montrant que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir perdu leur emploi à cause de la pandémie et qu’elles mettent plus de temps à retourner dans la population active.

D’après YWCA Canada, cette situation s’explique notamment par le fait que davantage de femmes exercent des professions dans des domaines repris en anglais sous l’appellation collective des cinq « C », à savoir les soins (caring), le service de caisse (cashiering), la restauration (catering), le nettoyage (cleaning) et le travail de bureau (clerical functions). Avec un secteur des voyages dévasté, des restaurants fermés, des magasins désertés et des employées et employés en télétravail, les pertes d’emploi ont été lourdes dans ces domaines. En outre, les femmes sont plus susceptibles de s’arrêter de travailler, notamment de prendre des congés non payés, pour s’occuper d’enfants malades ou en quarantaine ainsi que de parents âgés. En général, les femmes interviennent aussi davantage pour aider leurs enfants à étudier à la maison, tout en jonglant avec leurs responsabilités domestiques. Ces rôles traditionnels liés au genre peuvent conduire les femmes à une « précarité temporelle ». Fait encore plus inquiétant, d’après une étude publiée récemment dans Sociological Science (en anglais seulement), même sans nécessité financière, cette structure familiale traditionnelle reste la solution préférée des jeunes.

La santé des femmes a elle aussi été affectée de manière disproportionnée. Ainsi, en Ontario, le tableau de bord du gouvernement provincial sur la COVID-19 confirme que davantage de femmes que d’hommes sont déclarées positives au coronavirus et décèdent de celui-ci. D’après le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) (en anglais seulement), près de 25 % des femmes ont connu des épisodes d’angoisse modérée à sévère ainsi qu’un sentiment accru de solitude ou d’isolement depuis le commencement de la pandémie, contre seulement 18 % des hommes. Ce taux est encore plus élevé (30 %) chez les femmes ayant des enfants de moins de 18 ans.

En plus de rencontrer davantage de problèmes sur le plan des finances et de la santé à cause de la COVID-19, les femmes courent aussi plus de risques pour leur sécurité, face à l’augmentation du nombre d’incidents de violence et de mauvais traitements au sein du foyer. Au Canada, YWCA a publié des statistiques fédérales montrant une augmentation de 20 à 30 % des taux de violence conjugale. Une femme autochtone sur cinq a été victime de violence physique et psychologique depuis le commencement de la pandémie. L’incertitude économique, combinée à des politiques d’auto-isolement, laisse aux auteurs de mauvais traitements plus de champ libre pour accroître la codépendance des femmes à leur égard, ce qui leur donne davantage d’occasions de se livrer à la violence et à la manipulation.

Les perspectives d’avenir

La pandémie a indubitablement effacé certaines avancées obtenues par les femmes ces dernières années au niveau de l’emploi, de l’indépendance financière, des rôles liés au genre, de la santé et de la sécurité. Cependant, il existe des pistes et des solutions pour regagner le terrain perdu et améliorer la vie générale des femmes.

Une première étape essentielle est de veiller à ce que les données statistiques soient désagrégées afin de permettre de repérer où et comment les groupes racialisés et les femmes sont affectés. Ces renseignements peuvent ensuite servir à éclairer un changement des politiques et une réforme institutionnelle. Il est indispensable de savoir et de comprendre qui subit des conséquences négatives pour pouvoir élaborer des solutions efficaces qui apporteront un réel changement.

En ce qui concerne les femmes en particulier, des services de garde d’enfants plus abordables leur permettraient de trouver davantage d’emplois stables et à temps plein et d’acquérir une plus grande indépendance financière, pour elles-mêmes et leur famille. De même, en milieu de travail, étant donné qu’ONU Femmes (en anglais seulement) confirme que jusqu’à 70 % des personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et des services sociaux sont des femmes, qui se trouvent souvent en première ligne, des mesures renforcées de santé et de sécurité sont essentielles pour améliorer les conditions de travail et indispensables pour réduire le taux d’infection à la COVID-19 chez les femmes.

De meilleurs salaires, des avantages sociaux et des horaires à temps plein pour celles qui travaillent dans les domaines des soins, du service de caisse, de la restauration, du nettoyage et du travail de bureau feraient aussi grandement progresser les femmes vers l’indépendance financière. En ce qui concerne les rôles liés au genre, bien qu’il soit largement accepté que les hommes et les femmes devraient participer de manière égale à la population active, cette idée d’égalité ne s’étend pas aux tâches domestiques non payées. Ce sont toujours les femmes qui s’occupent le plus des soins, de la préparation des repas et des tâches ménagères. Si nous voulons que les femmes soient moins vulnérables en temps de crise, il faut que leurs partenaires reconnaissent davantage la nécessité d’un partage équitable de toutes les responsabilités familiales et domestiques.

Enfin, il faut investir davantage dans les soutiens en santé mentale pour toutes les femmes, surtout pour celles des communautés racialisées. Il est impératif de créer ou d’augmenter le nombre de numéros d’urgence, de maisons de refuge, de campagnes d’information et de programmes de sensibilisation si nous voulons réduire les actes de violence commis contre les femmes. Le secteur privé a déjà eu un effet positif sur le développement de nouvelles applications mobiles et d’autres solutions permettant de mettre les femmes en contact avec les organisations qui viennent en aide aux victimes de violence et de mauvais traitements conjugaux. En Ontario, le congé en cas de violence familiale ou sexuelle fournit aux victimes un peu d’aide financière ainsi que du temps pour leur permettre d’obtenir des soins médicaux, un avis juridique ou une consultation psychologique, ou de changer de domicile, tout en bénéficiant de la protection de leur emploi.

Le monde est en perpétuelle évolution, mais il ne change pas toujours dans le bon sens. En période de crise, notamment pendant cette pandémie mondiale, il peut nous sembler difficile de continuer d’être de meilleures personnes et de faire mieux. Pour y parvenir, nous devons lancer une profonde remise en question, tant de nous-mêmes que des autres et des institutions qui régissent notre vie quotidienne. La vulnérabilité que les femmes et les communautés racialisées ont vécue à cause de la COVID-19 est un lourd fardeau, mais si nous connaissons les difficultés à surmonter, si nous nous engageons ensemble pour faire changer les choses, si nous gardons confiance et si nous unissons nos efforts, nous pouvons tous et toutes contribuer à créer les ressources nécessaires pour induire un changement positif au milieu de tant de souffrance et de difficultés.

Julie Guévremont fait partie de l’unité de négociation d’Ottawa et siège au comité de la promotion des femmes de l’Ontario English Catholic Teachers’ Association (OECTA). Ce comité est l’un des 17 comités provinciaux dont le mandat figure dans l’OECTA Handbook (cahier des règlements et autres de l’OECTA). Sa priorité est de faire avancer la condition féminine tant au Canada que dans le reste du monde. Cliquez ici pour lire le mandat du comité des femmes et connaître ses membres (en anglais seulement).


Julie GuévremontFait partie de l’unité de négociation d’Ottawa et siège au comité de la promotion des femmes de l’Ontario English Catholic Teachers’ Association (OECTA).
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