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Quand les enseignantes et enseignants du Ghana rural regardent à travers le prisme du genre

| Équité entre les genres

Le voyage est long entre Accra et Kumbuyili. Et côté mode de vie, la distance qui les sépare est encore plus grande. Capitale moderne, Accra, avec ses millions d’habitants, est en effet à des années-lumière des traditions de Kumbuyili, minuscule localité du nord du Ghana. Cela dit, ces deux endroits ont au moins une chose en commun : la persistance de l’inégalité entre les sexes.

À Accra, l’exposition à la modernité a façonné cette inégalité. À Kumbuyili, comme dans d’autres villages ghanéens en milieu rural, l’inégalité entre les sexes a ses propres racines. Comment un syndicat de l’enseignement ayant son siège à Accra peut-il donc appuyer les enseignantes de Kumbuyili? Que peut-il offrir d’utile au Ghana rural pour éliminer la violence sexiste en milieu scolaire et aider les filles à réussir à l’école?

La Ghana National Association of Teachers (GNAT) commence à trouver des réponses à ces questions, réponses qui passent avant tout par le personnel enseignant et les écoles, et à bâtir des ponts à partir de là. Dans le cadre du programme Nkabom, qui mobilise les communautés en faveur des écoles et offre du perfectionnement professionnel aux membres du personnel enseignant et aux directions d’école, la GNAT offre maintenant au personnel enseignant des ateliers de formation en poste sur l’égalité entre les sexes en plus d’organiser des rassemblements de mobilisation sur le même thème à l’intention de la communauté toute entière, y compris les chefs traditionnels, les personnes aînées et les dirigeantes et dirigeants communautaires.

Le programme est axé sur la culture vue à travers le prisme du genre. De quelle culture parle-t-on? Celle du village .

Au début de chaque atelier, l’animatrice ou l’animateur fait la distinction entre le sexe (qui désigne les caractéristiques biologiques d’une personne) et le genre (qui renvoie aux rôles déterminés socialement, lesquels ont une incidence sur les relations entre les hommes et les femmes). Cette définition du mot genre aide les participantes et participants à l’atelier à comprendre que le genre est quelque chose de variable et de changeant, et qu’ils ont le pouvoir de faire les choses différemment, et mieux. Pour Helena Awurusa, responsable des questions d’égalité entre les sexes à la GNAT, cette prise de conscience « nous débarrasse des œillères qui nous empêchent de bien voir la problématique hommes-femmes ».

Pendant l’atelier, les structures sociales sont explorées du point de vue des hommes, des femmes, des filles et des garçons. Un volet porte par exemple sur les rites de passage pour les filles, qui comprennent le dipo, le bragoro et les mutilations génitales. Une analyse de ces rites à travers le prisme du genre permet de voir clairement qu’ils contribuent beaucoup à réduire la femme à l’état d’objet et à préparer les filles à l’asservissement. On se rend également compte que les histoires, les mythes, les dictons, les proverbes, les rituels, les rôles et les responsabilités perpétuent les inégalités et empêchent les femmes de contribuer à la société comme elles le feraient autrement.

Grâce à la vision claire que leur fournit le prisme du genre, les participantes et participants sont capables d’envisager des mesures concrètes et d’établir des plans d’action.

Loin de se tenir hors contexte, les ateliers sur l’égalité entre les sexes sont précédés d’un grand travail préparatoire. D’abord, les villages sont mobilisés pour qu’ils passent à l’action au nom des enfants et de la population. Puis, grâce à l’appui du Projet outre-mer de la FCE, les enseignantes et enseignants et les directrices et directeurs d’école commencent à mettre en place des méthodes d’apprentissage actif centrées sur l’enfant. Dans le cadre de forums où des partenaires se rassemblent grâce au soutien de la FCE, les villages participants se réunissent avec des ONG compétentes, avec qui ils nouent souvent des partenariats. Ce n’est qu’après ces premières étapes, une fois qu’elles ont connu leurs propres réussites, vécu des changements positifs et établi un lien de confiance avec le programme de la GNAT, que les communautés sont invitées à s’examiner à travers le prisme du genre.

Les deux principaux volets du programme de la GNAT axé sur l’égalité entre les sexes en milieu scolaire, soit le perfectionnement professionnel du personnel enseignant adapté aux besoins des deux sexes et la mobilisation communautaire à travers le prisme du genre, sont interreliés. Le perfectionnement professionnel sur l’égalité entre les sexes mène à l’élaboration de plans d’action et à leur mise en œuvre sur six mois, et culmine avec une présentation faite par les élèves dans le cadre du rassemblement communautaire en faveur de l’égalité entre les sexes. Entre les activités de perfectionnement professionnel et de mobilisation, on visite de nouveau les écoles pour vérifier si les plans d’action ont bien été mis en œuvre, on dresse un état des lieux en matière d’égalité entre les sexes dans la communauté, on communique avec les responsables syndicaux et ministériels locaux pour obtenir leur appui, et on fait une visite de politesse au chef. Cette visite est essentielle, car l’appui du chef indique à la communauté que les activités de mobilisation en faveur de l’égalité entre les sexes sont importantes.

Cela dit, comment cette perception de la vie locale à travers le prisme du genre est-elle reçue dans les villages?

Dans certains villages, le chef et les aînées et aînés affirment non seulement que la séance de mobilisation en faveur de l’égalité entre les sexes apporte une nouvelle perspective et favorise une meilleure compréhension, mais aussi qu’elle touche le cœur des gens.

Partout dans le monde, les présentations d’élèves ont toujours beaucoup de succès. Le Ghana rural ne fait pas exception. Quand les enfants présentent de courtes pièces de théâtre à propos des rôles de genre en salle de classe, des filles qui sont violées en se rendant à l’école ou des familles qui gardent leurs filles à la maison, les mères, les pères, les grands-mères et les communautés regardent avec beaucoup d’attention et voient les choses du point de vue de l’enfant. La secrétaire générale adjointe de la GNAT, Gifty Apanbil, qui a joué le rôle d’animatrice, a noté que, pendant la présentation des enfants, le chef, les aînées et aînés et les autres membres de la communauté écoutaient tous attentivement. À certains de ces rassemblements, les enfants présentent aussi des œuvres d’art qui montrent combien le respect de l’égalité entre les sexes offre un filet de sécurité aux filles. Dans certains villages, le chef et les aînées et aînés affirment non seulement que la séance de mobilisation en faveur de l’égalité entre les sexes apporte une nouvelle perspective et favorise une meilleure compréhension, mais aussi qu’elle touche le cœur des gens. Tout cela prépare le terrain pour un examen honnête et approfondi de l’influence de la culture des villages sur les rôles de genre et les relations interpersonnelles.

Les séances de mobilisation en faveur de l’égalité entre les sexes ne sont qu’un début. Tout comme les enseignantes et enseignants mettent en œuvre leurs plans d’action après avoir suivi des ateliers de perfectionnement professionnel sur l’égalité entre les sexes, les communautés mettent elles aussi en œuvre des plans d’action suite à la séance de mobilisation en faveur de l’égalité entre les sexes. Ces plans exposent brièvement les besoins auxquels les activités doivent répondre, les personnes responsables de ces activités, les méthodes utilisées, les dates de début et de fin ainsi que les indicateurs de réussite. Certains chefs adoptent même leurs propres plans. L’un d’eux a par exemple fait savoir qu’il circulerait désormais dans le village pour savoir quels garçons et filles ne vont pas à l’école et demander à leurs parents pourquoi ils ne les y envoient pas. Les communautés mobilisées en faveur de l’égalité entre les sexes dans les zones rurales du Ghana sont passées en mode action. Comme Helena Awurusa le dit à ses participantes et participants, « pendant ces séances, vous avez planté des fleurs. Vous devez maintenant en prendre soin. » Elle rappelle aussi aux enseignantes et enseignants qu’ils sont des modèles. « Les enfants vous regardent. Quand vous leur montrez le bon exemple, ils le savent. Éclairez-les. »


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