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Quand on intervient tôt auprès des élèves qui ont des problèmes de santé mentale, toute la société en bénéficie

| Santé mentale

Alors que je m’apprêtais à prononcer le discours d’ouverture du Forum canadien sur l’éducation publique qui s’est tenu en juillet dernier, j’ai été frappée par le caractère vraiment opportun du thème du Forum : le bien-être à l’école. Quand j’ai commencé à enseigner au début des années 1980, la question de la santé mentale ou du bien-être des élèves ou du personnel enseignant se posait rarement dans les discussions de la salle du personnel ou même ailleurs. Ce silence et l’absence de soutien pour répondre à un diagnostic ou à des besoins réels ne faisaient rien pour aider.

J’espère qu’il n’en est plus ainsi et que ces sujets sont maintenant l’objet de discussions dans les écoles. Dans tout le Canada, les éducatrices et éducateurs nous ont dit que la question de la santé mentale des élèves est celle qui a le plus de répercussions sur l’enseignement et l’apprentissage, et que les écoles ont besoin de plus de soutien de la part de la communauté, de services professionnels et de ressources pour aider les élèves en difficulté.

Selon un sondage mené par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE) en 2012 auprès du personnel enseignant, en collaboration avec ses organisations Membres et la Commission de la santé mentale du Canada, la majorité des répondantes et répondants ont affirmé que le stress, les troubles anxieux, les troubles déficitaires de l’attention, l’hyperactivité avec déficit de l’attention et les troubles du spectre autistique sans oublier les difficultés d’apprentissage comme la dyslexie constituent des problèmes pressants dans leur école.

Près de sept enseignantes ou enseignants sur dix ont indiqué qu’ils n’ont reçu aucune formation professionnelle qui les aide à mieux aborder la maladie mentale chez les élèves.

Pourtant, d’après le même sondage, près de sept enseignantes ou enseignants sur dix ont indiqué qu’ils n’ont reçu aucune formation professionnelle qui les aide à mieux aborder la maladie mentale chez les élèves. De toute évidence, un énorme fossé sépare les besoins de la réalité. Aux dires du corps enseignant, la stigmatisation et la discrimination sont de loin les obstacles les plus importants à surmonter dans le dialogue sur la santé mentale et le bien-être, et dans l’organisation du soutien dans ce domaine.

Pour favoriser ce dialogue, la FCE lancera officiellement le 10 octobre, Journée mondiale de la santé mentale, un nouvel outil pédagogique dont l’objectif est de stimuler la discussion en salle de classe sur la stigmatisation. Ce cahier intitulé Ensemble contre la stigmatisation de la santé mentale! aidera les enseignantes et enseignants ainsi que leurs élèves à aborder avec plus de facilité la délicate question de la santé mentale.

Pendant les 33 ans que j’ai passés à enseigner et à offrir des services de soutien dans des classes du Nouveau-Brunswick, j’ai souvent perdu le sommeil, tourmentée que j’étais par les difficultés de certains élèves. Même si j’ai enseigné à tous les niveaux de la maternelle à la 5e année, j’ai passé 13 ans de ma vie professionnelle auprès des enfants de la maternelle, âgés de 4 et 5 ans. Combien de fois je me suis sentie frustrée, inquiète et même fâchée de voir à quel point l’équipe de l’école devait se battre pour surmonter les obstacles un à un et obtenir les services dont un ou une élève avait besoin. Quand, neuf ans plus tard, je pouvais dire sans difficulté à une directrice adjointe d’une école secondaire, par exemple, quels élèves se retrouvaient régulièrement dans son bureau pour des problèmes de discipline, je n’étais nullement surprise.

Même si les membres du personnel enseignant savent qu’ils font partie de la solution dans le bien-être des élèves à l’école, ils ne peuvent manifestement pas agir sans le soutien de spécialistes, sans formation et sans ressources financières.

Et parlons franchement! Les problèmes de santé mentale touchent aussi le personnel enseignant lui-même. Le sondage national que la FCE a réalisé en 2014 sur l’équilibre travail-vie, auquel ont répondu quelque 8 000 enseignantes et enseignants, a révélé que le stress causé par un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle avait fortement augmenté au cours des cinq années précédentes pour 80 % des répondantes et répondants. Pour expliquer cette tendance, 95 % des personnes qui ont répondu ont cité l’impossibilité dans laquelle elles se trouvent de consacrer tout le temps qu’elles désirent à chacun et chacune des élèves.

Pour ce qui est de leur vie à l’extérieur de l’école, encore une fois, la plupart des répondantes et répondants ont indiqué qu’ils n’avaient pas assez de temps à consacrer à leurs propres enfants, à leur conjoint ou conjointe, à des activités récréatives personnelles ou à des soins à des membres de leur famille ou à des amis. De plus, les enseignantes et enseignants, sans parler des autres membres du personnel éducatif, sont en quelque sorte devenus les travailleurs et travailleuses de première ligne chargés du tri des élèves qui souffrent des conséquences de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire, du stress et de la toxicomanie de leur milieu familial, et de problèmes de santé mentale. Tout cela peut mener à l’épuisement professionnel et à la détresse psychologique. Et évidemment, tout cela a des répercussions sur la classe.

Le Forum canadien sur l’éducation publique de la FCE a tout juste permis d’effleurer la surface de cette question du bien-être dans nos écoles. Le temps EST venu d’agir et nous, éducatrices et éducateurs, devons intervenir et faire des pressions pour que les élèves et le personnel enseignant bénéficient du soutien approprié, et trouver dans la société des alliés avec qui travailler dans ce sens. Une chose est sûre, la FCE fera sa part sur la scène fédérale!


De vénéré maître à guide-accompagnateur : l’évolution du rôle des enseignantes et enseignants
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