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L’éducation est essentielle pour éliminer les préjugés sexistes

| Équité entre les genres, Justice sociale

En ce moment même, le Canada accueille à Vancouver (Colombie-Britannique) la conférence 2019 de Women Deliver – la plus grande conférence internationale consacrée à l’égalité des genres. C’est pourquoi, ces 18 derniers mois, en ma qualité de directrice de la campagne Mobilisation canadienne de Women Deliver 2019, j’ai profité de la visibilité donnée par cette conférence pour nouer des liens avec différents groupes (établissements d’enseignement, fédérations d’enseignantes et enseignants, entreprises, municipalités, organisations sans but lucratif, etc.) de tous les secteurs et du Canada tout entier afin de faire réellement progresser l’égalité des genres.

Tandis que je me prépare pour la plus grande aventure et le plus important travail de toute ma vie – devenir mère –, je pense souvent à tout le chemin que j’ai parcouru professionnellement et à celui que je souhaite encore faire.

Beaucoup supposent que les femmes1 ne souhaitent tout simplement pas occuper un poste de direction. Et je n’en voudrai à aucune femme de refuser ou de ne pas chercher ce genre de possibilité. Je suis consciente d’être débordée. Outre les habituels facteurs stressants du travail, les femmes occupant un poste de direction sont, aujourd’hui encore, moins bien payées que leurs homologues masculins, et elles se heurtent au stress dû aux préjugés sexistes de deuxième génération. Selon moi, il s’agit de l’obstacle le plus difficile à supporter et à surmonter, car il est souvent invisible et ébranle fortement la confiance que les femmes ont en elles-mêmes.

D’après les auteures d’un article publié dans le Harvard Business Review, les préjugés sexistes de deuxième génération sont [traduction libre] : « de puissantes mais subtiles et souvent invisibles barrières qui se dressent devant les femmes et qui découlent de partis pris culturels et de structures organisationnelles, de pratiques et de modèles d’interactions qui profitent involontairement aux hommes et désavantagent les femmes ». Les préjugés sexistes de deuxième génération ne consistent pas à exclure intentionnellement les femmes, et ils ne génèrent pas forcément des préjudices directs et immédiats. En fait, ils créent un contexte qui empêche les femmes de s’épanouir en raison d’éléments qui échappent à leur contrôle. Par exemple, comme je suis petite, je me suis souvent retrouvée dans des situations où les hommes se rassemblent instinctivement en formant un cercle après une réunion pour discuter des choses à retenir et des étapes suivantes. Il leur est souvent arrivé de ne même pas remarquer ma présence, dissimulée que j’étais par un homme beaucoup plus grand que moi, ou de ne pas s’écarter pour me faire une place parmi eux. Était-ce intentionnel? Probablement pas, mais cela m’a quand même souvent tenue à l’écart d’importantes conversations.

Un autre préjugé sexiste de deuxième génération concerne la manière dont on tend à juger les personnes aux commandes dans notre société. Les traditionnelles qualités « féminines » (bienveillance, collaboration, etc.) et les qualités considérées comme indispensables pour diriger (détermination, motivation, etc.) sont souvent perçues comme incompatibles. Les femmes présentant des qualités de dirigeante sont décrites – même par les autres femmes — comme agressives, rugueuses et arrogantes. Ainsi, une femme m’a récemment reproché le manque de sensibilité de mon style de communication. Je ne peux pas m’empêcher de me demander si cela aurait été un problème si j’avais été un homme. Selon moi, ce reproche élude le fait que j’ai de l’assurance, qualité essentielle que toute personne qui dirige doit posséder.

Ces préjugés sont hélas courants dans tous les secteurs et sont constamment évoqués lors de mes réunions avec les représentantes des différentes organisations de tout le pays qui participent à la campagne Mobilisation canadienne de Women Deliver 2019. Des finances au sport, en passant par le droit et tous les autres secteurs, les femmes sont trop peu nombreuses au sommet. Même dans des secteurs comme la santé et l’éducation, qui emploient plus de femmes que beaucoup d’autres, les hommes ont toujours plus de chances que les femmes d’occuper un poste de haute direction.

Dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, ainsi que dans le sport, les femmes sont presque totalement exclues, et cette discrimination fondée sur le genre a des conséquences qui vont bien au-delà des secteurs directement touchés. Ainsi, seulement 19 % des Canadiennes font du sport, contre 35 % des Canadiens. Pourtant, d’après Jennifer Heil, championne olympique et vice‑présidente, Développement du sport, chez Via Sport, 94 % des cadres féminines possèdent une expérience formelle dans le sport.

Manifestement, la pratique du sport permet aux gens de développer les compétences essentielles qui les aideront à progresser dans leur vie professionnelle. Cependant, tant que les femmes se heurteront à une culture du sexisme, nous continuerons d’observer la même tendance – tant dans le sport que dans le monde du travail.

Alors, que pouvons-nous faire pour ouvrir plus de portes aux femmes? Nous devons combattre et modifier la dynamique des préjugés sexistes de deuxième génération qui existe dans nos lieux de travail, notre société, notre culture et nos normes.

Que ce soit par l’intermédiaire des programmes d’études ou des programmes communautaires, l’éducation peut aider à jeter un regard plus sain sur les rôles liés aux genres et à remettre en question des croyances profondément ancrées. L’éducation et une sensibilisation accrue du public peuvent aussi contribuer à contrer le sexisme auquel les enfants sont exposés, voire même soumis, de plus en plus jeunes.

Si l’on veut donner plus de possibilités aux femmes, il faut aussi commencer par créer des environnements plus inclusifs. Tous les efforts déployés pour recruter des femmes aux postes de direction seront inutiles si les entreprises n’encouragent pas une culture organisationnelle qui permet aux femmes de réussir. Une formation obligatoire en milieu de travail sur les préjugés sexistes de deuxième génération pourrait largement aider le personnel et les équipes dirigeantes à comprendre le nouveau visage des préjugés sexistes et leurs conséquences différentes sur la carrière des femmes et sur celle des hommes.

Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour défendre l’égalité des genres et mettre en œuvre des stratégies concrètes qui éliminent les causes profondes de la discrimination fondée sur le genre.

Nous espérons que la couverture médiatique dont bénéficie la conférence de Women Deliver incitera tout le monde à s’intéresser à cet important problème dans les jours, les mois et les années à venir.


1 Aux fins du présent article, j’utilise le terme « femmes » pour désigner les femmes et les personnes qui s’identifient comme telles, dans toute leur diversité.


Julie Savard-Shaw est directrice des Partenariats, Mobilisation canadienne de Women Deliver 2019, du Partenariat canadien pour la santé des femmes et des enfants.

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