Espace membres

Rien sur les jeunes sans les jeunes

| Diversité, Équité entre les genres, Militantisme

Il y a peu d’exemples de militantisme chez les jeunes aussi saisissants que les efforts de Greta Thunberg et sa grève des jeunes pour le climat. Aujourd’hui candidate au prix Nobel de la paix, Greta rejoint les rangs des survivantes et survivants de la tuerie de Parkland, de l’activiste autochtone pour le climat Autumn Pelletier et de centaines d’autres adolescentes et adolescents qui, comme elle, ont pris le monde d’assaut au nom de la justice. C’est avec humilité que, ces dernières années, j’ai apporté ma modeste contribution à une initiative de ce genre. 

Le projet Les jeunes pour l’égalité des genres (JEG) de Plan International Canada est exactement ça : un groupe de jeunes du Canada qui contribuent aux efforts de notre génération en faveur de la justice. D’une durée de trois ans, ce projet codirigé par Plan International Canada et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (CTF/FCE) mobilise des jeunes de tout le pays afin qu’ils dirigent les efforts pour atteindre l’Objectif de développement durable no 5 des Nations Unies, l’égalité des genres.

J’ai participé aux premières phases du projet en tant qu’animateur d’une rencontre de dialogue tenue dans une école secondaire de langue française de ma région. Cette rencontre pilote avait été organisée en prévision des dizaines de rencontres qui allaient avoir lieu aux quatre coins du pays afin de recueillir des données qui serviraient à l’élaboration d’une feuille de route. Qu’elles aient eu lieu dans des écoles secondaires, des centres communautaire ou des foyers, ces rencontres avaient pour but d’instaurer un dialogue avec de jeunes Canadiennes et Canadiens de tous les horizons, dont des jeunes francophones, des jeunes immigrants et réfugiés nouvellement arrivés, des jeunes racialisés, des jeunes allosexuels, des jeunes autochtones et des jeunes handicapés. Toutes les rencontres de dialogue avaient un point en commun : elles étaient animées par un ou une jeune membre de la communauté. 

Dès le début du projet, on a veillé à ce que toutes les voix soient représentées à la table de discussion pour s’attaquer à l’inégalité des genres au Canada. En s’assurant d’une telle représentation, on a fait en sorte que les données soient plus complètes et pertinentes en vue des discussions suivantes. Si j’ai continué de participer au projet, c’est parce qu’à chaque étape, des jeunes tenaient les rênes. Les données recueillies dans le cadre des dizaines de rencontres de dialogue tenues d’un bout à l’autre du Canada ont été interprétées et synthétisées par un comité d’analyse dirigé par des jeunes dont j’ai fait partie. 

Les données ont ensuite été présentées à des jeunes de tout le Canada à l’occasion de la Conférence d’élaboration de politiques, à Ottawa. Pendant l’évènement, ces jeunes agentes et agents du changement ont reçu de la formation et ont discuté de l’élaboration de politiques et du processus politique, en plus de transformer les données en recommandations stratégiques et en appels à l’action concrets. Ces appels à l’action se trouvent dans la Feuille de route des jeunes pour l’égalité des genres.

Plus qu’un bon processus de collecte de données, l’approche du projet JEG se veut en fait une autre application du principe « rien sur nous sans nous ». Ce principe, qui a vu le jour en Europe centrale à l’époque médiévale, a été popularisé, en anglais, par les défenseurs et défenseuses des droits des personnes handicapées dans les années 1990. Fondamentalement, il soutient l’idée que tous les membres d’un groupe touché par une politique doivent participer à son élaboration. Cela augmente les chances que la politique soit équitable, efficace et respectueuse du groupe qui devra vivre avec. 

Le projet JEG est un parfait exemple d’application du principe, qui l’a d’ailleurs inspiré à chacune des étapes, depuis la collecte et l’interprétation des données jusqu’à la formulation et la présentation des politiques. Au début de juin 2019, une délégation de jeunes a assisté à la conférence féministe internationale de Women Deliver, à Vancouver, où elle a lancé officiellement l’initiative triennale axée sur les jeunes et l’a fait connaître à tout un monde très occupé d’agentes et agents du changement. Inutile de dire que la prestation de ces jeunes s’est démarquée. 

Ma participation au projet JEG de Plan International Canada et de la CTF/FCE figure certainement parmi les évènements marquants de mes trois dernières années. En plus de me permettre de rencontrer des dizaines de personnes pleines de talents, mon travail avec le projet JEG est pour moi une précieuse occasion d’apprendre par l’expérience à quel point, dans le domaine de l’élaboration des politiques, le principe « rien sur nous sans nous » est important. L’histoire est remplie d’exemples de situations qui ont bien tourné parce qu’on avait observé le principe et d’autres qui se sont soldées par des échecs parce qu’on ne l’avait pas fait. 

Il est encourageant de voir, dans l’ensemble du Canada, des éducateurs et éducatrices qui adhèrent au principe et qui conçoivent en conséquence les programmes d’études provinciaux et les activités d’apprentissage en classe. Toutefois, il y a toujours moyen d’aller plus loin. Tandis que, d’un océan à l’autre, les acteurs et actrices de l’éducation se battent contre l’austérité et pour un système éducatif de qualité, que la crise climatique poursuit inexorablement son cours et que les spectres du nationalisme et de l’intolérance rôdent, il est plus nécessaire que jamais de prendre fait et cause pour des politiques et un système éducatif inclusifs et transformateurs. Et dans les initiatives qui en découleront, à l’instar du projet JEG, les jeunes doivent continuer d’être les chefs de file.


Pablo Mhanna-Sandovala participé au projet Les Jeunes pour l’égalité des genres.
Accessibilité