Espace membres

Vivre en français en terre inuite

| Éducation autochtone, Francophonie

L’école des Trois-Soleils a la particularité d’être l’école de langue française la plus nordique au monde. Trois-Soleils en raison du phénomène de parhélie qui a lieu en hiver, mais aussi pour rappeler la présence de trois langues bien présentes dans la communauté : l’inuktitut, le français et l’anglais. Elle accueille les élèves francophones d’Iqaluit et offre comme décor la baie Frobisher.

Si la raison de cette excursion en territoire inuit était liée au tournage de vidéos pédagogiques, c’était aussi l’occasion rêvée pour explorer la réalité quotidienne de ces francophones qui habitent au pays des Inuits.

Iqaluit est la capitale du Nunavut. Environ 60 % de cette population de plus de 7 000 habitants est inuite et 1,3 % est francophone. Bien que la présence francophone date de plusieurs centaines d’années, ce n’est que depuis une trentaine d’années qu’elle s’accroît de façon plus marquante.

Quels liens existent entre les Inuits et les francophones? Les francophones rencontrés là-bas s’entendent pour dire qu’ils sont fondés sur le respect, mais que ces liens restent à être développés. En effet, bien qu’ils soient majoritaires en nombre, les Inuits vivent des défis qui s’apparentent à ceux de la minorité francophone : la perte de locuteurs vers l’anglais, le manque de ressources dans leur langue, la transmission de la culture en sont des exemples. « On sent qu’on aurait une contribution à faire à l’épanouissement de la communauté inuite, mais les ponts restent à être créés », reconnaît un francophone engagé du milieu.

Vivre en français n’est pas chose facile dans un endroit aussi isolé. Dans les années 70, plusieurs francophones du Québec ont été recrutés par Bell pour bâtir les infrastructures nécessaires à l’essor de la ville. C’est la Soirée du hockey qui manquait particulièrement à ce groupe de jeunes québécois et qui a mené, en 1981, à la création de l’Association des francophones du Nunavut. Le premier objectif du rassemblement était, en effet, la diffusion de la célèbre émission. L’Association a par ailleurs été responsable du signal télévisuel jusqu’au tournant du siècle, alors que les droits ont été remis au câblodistributeur local. Les démarches pour la création d’une école de langue française n’ont pas été faciles non plus. « Ce sont ces expériences de revendication qui font qu’on comprend bien la situation de la communauté inuite », précise un artisan de la francophonie du Nunavut.

Vue de la fenêtre d’une salle de classe de
l’école des Trois-Soleils.

Signe d’intégration à son milieu, l’école de langue française intègre les valeurs inuites à l’enseignement. Bien en évidence dans les classes, on rappelle aux élèves l’importance du respect de l’autre, de l’ouverture d’esprit, de l’engagement communautaire, de la prise de décision par consensus, des stratégies de développement des compétences, de la concertation des efforts, de la recherche de solutions et du respect de l’environnement.

Quelques francophones ont appris l’inuktitut ou se débrouillent assez bien pour maintenir une conversation. « Quand un étranger apprend quelques mots de français, on l’apprécie toujours. C’est un peu normal pour nous d’apprendre les rudiments de la langue des Inuits. C’est une façon de démontrer du respect. » C’est un petit geste qui prend son sens quand on sait que le maintien du nombre de locuteurs inuits présente des défis. La langue est de moins en moins parlée au foyer, lieu privilégié pour sa transmission.

Certains francophones ont aussi trouvé l’amour dans la communauté inuite. Une rencontre avec un père francophone et son fils issu du mariage avec une Inuite amène une autre perspective à la question des liens entre les deux communautés. Le père a appris l’inuktitut, surtout avec les elders, « des pédagogues dans l’âme », confie-t-il. « C’était important pour moi de créer des liens avec la famille. » Le fils est un produit de l’école de langue française et parle couramment l’anglais et le français. Comme d’autres jeunes rencontrés lors de ce bref séjour, la question identitaire n’est pas au cœur des interactions entre eux. Tous ont des amis inuits, francophones et anglophones. La langue utilisée entre eux varie selon le contexte.

Le mot de la fin revient à ce père qui met toute sa confiance dans les jeunes. « Ce sont eux qui feront tomber les barrières et qui donneront un nouvel élan à la francophonie du Nunavut. »

Comme lui, faisons le vœu que la nouvelle génération fasse briller les trois soleils encore longtemps!


Le Programme de coopération internationale de la FCE : 55 ans déjà!
Accessibilité